Par Estelle Bonhoure
Grâce à ses voyages dans le monde et en faisant un rapprochement avec les découvertes biologiques, Maria Montessori a constaté que tous les enfants, de par leur comportement, passent par des périodes sensibles à différents stades de leur vie. Elle a observé que ces périodes sensibles sont passagères et s’intensifient dans le temps ; elle a aussi remarqué, que lors de ces périodes sensibles, les enfants sont complètement absorbés par leurs activités.
Les périodes sensibles peuvent se chevaucher entre elles (exemple : apprentissage du langage et du mouvement) et visent à l’acquisition d’un caractère déterminé. Une fois ce caractère développé, la sensibilité cesse, l’intérêt diminue.
« L’enfant fait ses acquisitions pendant les périodes sensibles. …. C’est cette sensibilité qui permet à l’enfant de se mettre en rapport avec le monde extérieur d’une façon exceptionnellement intense ; tout est facile, alors ; tout est pour lui enthousiasme et vie. Chaque effort est un accroissement de puissance. Quand une de ces passions psychiques s’est éteinte, d’autres flammes s’allument, et l’enfance s’écoule ainsi, de conquête en conquête, dans une vibration incessante, reconnue par tout le monde, et que l’on traite de joie enfantine. » Maria Montessori. L’enfant. p35
L’enfance s’écoule donc de conquêtes en conquêtes.
Grâce à ces périodes sensibles, l’enfant dispose de potentiels insoupçonnés qui lui permettent de faire
naître naturellement certaines aptitudes (le langage, la marche, l’écriture,…). Ces périodes sont donc des phases d’acquisition et
de construction.
Ces temps forts n’apparaissent pas à un âge précis mais lorsque l’enfant est prêt à apprendre avec aisance.
A travers l’observation des besoins de l’enfant, l’éducateur doit déceler l’existence et la manifestation de ces périodes sensibles et « semer les graines » de la connaissance au bon moment.
Il est ainsi important de ne pas contrarier ou bloquer les apprentissages qui sont concordants aux sensibilités de l’enfant, au risque de rendre ultérieurement ces apprentissages beaucoup plus fastidieux. Ainsi l’adulte reste en retrait pour laisser l’enfant agir tout seul.
Quand des obstacles extérieurs entravent l’activité vitale des enfants, l’existence d’une période sensible peut se manifester par des réactions violentes, par des désespoirs que les adultes jugent sans cause et qu’ils appellent des « caprices ». Les caprices n’existent pas pour les enfants : il s’agit toujours d’un besoin non satisfait alors qu’ils sont dans une période d’extra-sensibilité !
Maria Montessori a fait une liste de ces périodes sensibles et a identifié :
- la période sensible du langage,
- la période sensible de la coordination des mouvements,
- la période sensible de l’ordre,
- la période sensible du comportement social (vie sociale),
- la période sensible du raffinement des sens (perception sensorielle) et
- la période sensible des petits objets.
Attardons-nous maintenant sur la période sensible de l’ordre :
Cette période est essentielle car elle permet la construction de l’ordre mental, elle participe à l’architecture du
cerveau et aux connections neuronales (à travers les sens et les expériences) ! C’est la période de
la construction de la confiance en soi, de la pensée logique et de la sécurité intérieure.
L’enfant est fortement sensible à l’ordre extérieur dès sa naissance dans le but de comprendre son environnement et de lui donner un sens. L’enfant classe, ordonne, attribue une
fonction, une destination et un emplacement à chaque chose et à chaque personne, dans le temps et dans l’espace.
Maria Montessori observe que les jeunes enfants sont très sensibles à l’ordre des choses. Lorsqu’un objet n’est pas à sa place, l’enfant s’en aperçoit et va le repositionner.
Il est capable de se rendre compte de détails insignifiants pour les adultes.
L’enfant, pour pouvoir construire son ordre intérieur puis conquérir le monde extérieur, a besoin d’ordre à
l’extérieur et donc a besoin de pouvoir mettre de l’ordre dans ce qui existe. C’est en apprenant à mettre chaque chose à sa place dans son environnement extérieur que l’enfant va pouvoir
classer son environnement sur la base d’images mentales, se doter de repères pour bâtir sa pensée. Il va pouvoir ainsi distinguer les sons, les couleurs, les formes, les dimensions, les odeurs,
les regrouper, les classer, les nommer.
Afin d’aider et de sécuriser l’enfant dans cette période sensible de l’ordre, il est important de lui fournir un
environnement ordonné (et adapté), de respecter certaines routines et d’avoir des attitudes cohérentes :
- Un environnement ordonné est un environnement dans lequel chaque objet a sa place. Lorsque les objets sont en désordre et que l’enfant est dans la période sensible de l’ordre, cela peut
générer un désordre intérieur chez l’enfant (une panique) qui se manifeste par de l’agitation, des angoisses, des pleurs, des crises ou caprices (parfois même des maladies).
Comme évoqué précédemment, un environnement ordonné aide l’enfant à construire sa pensée et sa compréhension du monde. L’ordre lui offre la possibilité de se sécuriser et de s’orienter.
Dans la vie courante, cela se matérialiserait à la maison par des espaces organisés, dédiés à chaque activité (repas, soin, jeu, repos), à l’école par des vestiaires individualisés, une classe
rangée, …
- L’ordre des activités dans le temps répond également à la période sensible de l’ordre. Les routines sont importantes pour construire un environnement ordonné dans la journée. Une
modification des habitudes peut générer un désordre intérieur chez l’enfant dans cette période et se manifester par des comportements inappropriés.
Dans la vie courante, il faudrait avoir une continuité des horaires, une régularité des soins, des repas, …
- Lors de cette période, il est également important d’avoir une cohérence des attitudes, une égalité des humeurs, une
régularité des personnes rencontrées, …
Ainsi, lors des périodes sensibles, il faut (autant que faire se peut) prendre le temps de bien observer
et écouter les enfants car si les périodes sensibles ne sont pas prises en compte, cela pourrait générer frustrations et angoisses.
En conséquence, lors de changement d’habitudes ou en cas de nouveautés, il faut penser à avertir, informer l’enfant. Il s’adapte mieux (surtout entre 0 et 3 ans) s’il est prévenu, il va alors
pouvoir anticiper ce qui va se passer et donc se rassurer, se sécuriser. Il faut le laisser gérer son stress à son rythme face à des situations ou des personnes inconnues.
Deux Mille Feuilles
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